mercredi 31 octobre 2007

Un éléphant, ça trompe énormément

Gerald Sussman (spécialiste en mathématiques et en informatique que j'avoue ne pas connaître), est l'auteur de la citation suivante:

En mathématiques, les noms sont arbitraires. Libre à chacun d'appeler un opérateur auto-adjoint un éléphant" et une décomposition spectrale une "trompe". On peut alors démontrer un théorème suivant lequel "tout éléphant à une trompe". Mais on n'a pas le droit de laisser croire que ce résultat a quelque chose à voir avec de gros animaux gris.

Au-délà du bon mot qui est fait, cette citation amène à réflechir sur la place de la notion de définition en mathématiques. Une partie de cette science consiste à savoir poser les bonnes définitions -l'autre à savoir prouver des énoncés non triviaux-, toute la difficulté étant de comprendre quels sont les objets pertinents à mettre en lumière pour leur étude systématique. Bien souvent, c'est avec l'experience qu'ils apparaîssent d'eux-mêmes, comme par exemple avec le concept de fraction qui se détache de lui-même lorsqu'on est devant un problème de partage. Parfois il faut un effort très important pour pouvoir détacher une notion: c'est le cas des espaces vectoriels, qui apparaissent dans un grand nombre de situations diverses et variées, et qu'il a fallu extraire parmi une multitude d'autres choses.

Pour en revenir à la citation de Sussman, il est sous-entendu dans celle-ci qu'une fois que la définition est posée, il ne faut pas oublier ce que représentent les objets qu'elle dénomme. Il est donc logique d'essayer de donner des noms qui évoquent le plus les propriétés de l'objet en question. Cette question, qui n'a alors plus rien à voir avec les mathématiques à proprement parler, a pourtant créé un débat lorsque le collectif Bourbaki a tenté de donner des noms très évocateurs à des objets usuels en mathématiques lors de l'élaboration de son traité "Elements de mathématique" (notez l'orthographe du mot "mathématique" au singulier). Depuis, on peut voir des mots comme "boule", "pavé" etc...

Les commandements du mauvais matheux

Savoir se discréditer tout seul en mathématiques est un art. Pour certains, cela est inné. Pour les autres, il va falloir développer certaines capacités, tels la rigueur dans le non sens, la négligence dans les calculs, le sens de la contradiction avec soi-même... De manière plus pragmatique, voici quelques conseils à suivre:

1/ Par zéro tu diviseras.

2/ Quand tu multiplies par un nombre négatif, le sens des inégalités tu ne changeras pas.

3/ Sans précaution, les limites tu intervertiras.

4/ Des probabilités plus grande que 1 tu trouveras.

5/ Les quantificateurs universel et existentiel tu confondras.

6/ (a+b)²=a²+b² tu décreteras.

7/ Toutes les matrices tu inverseras.

8/ Linéaire la fonction sinus sera.

9/ A des triangles non rectangles le théorème de Pythagore tu appliqueras.

10/ Dérivable toute fonction continue sera.

Cette liste est bien entendu non exhaustive, mais a le mérite de présenter des conseils pour mathématiciens de différents niveaux. Nul doute qu'elle constituera une précieuse aide pour tous ceux qui souhaitent progresser dans le chemin du "1=0"...

lundi 29 octobre 2007

De l'intuition géométrique

En mathématiques, l'inégalité triangulaire est la propriété qui stipule que la distance parcourue pour aller de Paris à Marseille est plus courte si on s'y rend directement que si on passe par Lyon. C'est un énoncé très simplement compréhensible car il fait immédiatement appel à notre intuition géométrique.

Concrètement, si on regarde le schéma ci-dessous, cette inégalité dit que la longueur BC est plus petite que AB+AC:

Cependant, il faut prendre garde de se fier tout le temps à cette intuition géométrique. Il existe des cas où ce qui semble évident est faux, où ce qui semble logique est erroné. Par exemple, on peut montrer qu'il y a autant de points à l'intérieur d'un carré que sur n'importe lequel de ses côtés. Cela amène à reflechir sur la nature de cette intuition géométrique: se construit-elle à partir de notre perception (subjective) du monde extérieur ou bien est-elle inhérente à notre capacité de raisonner ? La réponse à cette question est, il semble, loin d'être triviale.

Un peu d'humour...