jeudi 4 septembre 2008

Pourquoi la conjecture de Goldbach ne sera jamais démontrée par un amateur

Parmi les nombreux sujets qui fleurissent chaque jour sur les différents fora consacrés aux mathématiques, il en est certains qui sont récurrents. J'ai vu de nombreuses personnes clamer haut et fort qu'elles avaient démontré la conjecture de Goldbach, et ceci avec des outils élémentaires. Nonobstant, un examen minutieux par les différents participants à ces fora fait apparaître dans tous les cas une faille dans les preuves proposées.

La conjecture de Goldbach est, dans son énoncé, d'une simplicité diabolique, ce qui la rend compréhensible par la plupart des profanes, et une bonne partie de ceux-là décide de s'attaquer à sa résolution. Cette entreprise serait parfaitement louable si les motivations de ces personnes n'étaient pas de prouver cette conjecture mais plutôt de l'étudier afin de comprendre pourquoi elle est aussi difficile.

La plupart du temps, les preuves apportées par ces néophytes (que je ne dénigre pas du tout, bien au contraire) utilisent des outils élémentaires à savoir des outils enseignés au niveau du lycée voire au niveau BAC+1. Cela suppose donc implicitement qu'il existe une démonstration de cette conjecture d'une extrême simplicité. C'est de ce postulat de base qu'ils partent lorsqu'ils se lancent dans la recherche d'une démonstration.

Cette conjecture est vieille de plus de 350 ans et a été soumise à de nombreux mathématiciens d'exception comme Leonhard Euler (sans aucun doute le plus grand mathématicien de son époque), Gauss ou encore d'immenses mathématiciens du XXème siècle (Hardy et Littlewood, Erdös, j'en passe et des meilleurs...). Si une démonstration simple existait de cette conjecture, nul doute que ces éminents talents l'auraient trouvée depuis un certain temps déjà. Un autre argument consiste à constater qu'une forme dite faible de la conjecture de Goldbach a été prouvée pour les nombres assez grands par le mathématicien Vinogradov en 1937. La preuve qu'il a proposée repose sur des concepts assez élaborés et sur une méthode (dite méthode du cercle) inventée par Hardy et Littlewood vers le début du XXème siècle. A fortiori, la conjecture forte de Goldbach (celle qu'on connaît tous) sera difficilement prouvable de manière élémentaire.
Pourtant, le mythe selon lequel un amateur puisse un jour être soumis à une révélation et découvrir l'idée géniale que personne n'aurait trouvée depuis plus de trois siècles et demi subsiste toujours. En pratique, il n'existe pas d'exemple à ma connaissance d'amateur ayant résolu un problème très difficile de manière miraculeuse. Si je devais proposer une explication à cette légende bien ancrée dans la société, je pencherais sur la fascination qu'exerce les mathématiques sur les gens, et sur l'aura quasi-mystique qui les entoure. Peut-être vais-je briser des milliers de rêves (ou de cauchemars) en disant cela, mais les mathématiques sont tout simplement le fruit d'un long processus stratiforme.